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Les institutions sont faites pour assurer la cohésion sociale, elles existent d’abord pour organiser la vie collective et éviter le chaos. Elles régulent les comportements, posent des règles, instaurent des limites partagées et permettent à des individus différents de vivre ensemble sans violence permanente.

Qu’elles soient de socialisation (Famille, école, église, mosquée), politiques (État, Parlement, gouvernement, partis politiques) économiques (Entreprises, marchés, banques centrales, syndicats) juridiques, (Constitution, tribunaux), culturelles et symboliques (universités, musées, académies, traditions) elles façonnent les comportements, les normes et les identités de l’individu dès l’enfance. Les mythes et les récits jouent un rôle fondamental dans la relation institution-individu. Les institutions ne tiennent pas seulement par des lois ou des règlements, mais surtout par des récits. Le storytelling est la colle symbolique entre l’individu et l’ordre collectif.

  • La défaillance des institutions ou lorsque plus rien ne nous est commun, sauf peut-être le désenchantement partagé.

Quand les institutions cessent de remplir leurs fonctions fondamentales, elles laissent un vide. Et ce vide engendre des dérèglements profonds, tant sur le plan social que psychologique, économique ou symbolique. Quand l’institution faillit, ce n’est pas simplement une règle qui vacille, c’est un miroir qui se brise — ce miroir où chacun venait chercher un peu de soi dans le regard du collectif. Et dans ce fracas discret, le citoyen ne sait plus très bien à qui parler, ni d’où il parle. Il ne sait plus si sa voix porte quelque chose, ou si elle se perd dans un brouhaha normatif sans âme.

La loi parle encore, plus que jamais. Elle produit des textes, des normes, des circulaires, des chiffres. Mais plus personne n’écoute vraiment. Le juge doute, car il sent que la justice ne guérit plus. Le maître enseigne, mais sa parole ne s’enracine plus dans le sol d’une promesse partagée.  Alors chacun s’invente un refuge. Certains se replient sur le clan, sur le sang, sur l’entre-soi. D’autres cherchent leur vérité dans les algorithmes, dans la logique froide des données, dans l’illusion d’un monde calculable. D’autres encore se réfugient dans la colère — brutale, pure, sans médiation. Et beaucoup se taisent, se retirent, s’endorment dans un silence habité. Et peu à peu, la société devient archipel. Non pas par diversité féconde, mais par dislocation. Des îlots de sens qui ne se parlent plus. Des récits qui ne se croisent plus. Chacun fabrique sa vérité, son histoire, son identité — mais plus personne ne fabrique du nous. Les ponts s’effacent. Les boussoles tournent à vide. Il ne reste alors que des promesses usées, des slogans vidés de leur élan, des récits éclatés comme des vitraux sans lumière. Et dans les regards, une fatigue collective, sourde et tenace — la fatigue de devoir encore croire à quelque chose de commun, quand plus rien ne nous est commun, sauf peut-être ce désenchantement partagé.

  • Le storytelling pour véhiculer un souffle qui touche à l’intime, à l’imaginaire, à la vérité des êtres et des structures

Le renforcement des institutions ne viendra ni par décret ni par discours figé. Il naîtra d’un souffle plus ancien et plus profond : celui des récits. Par le storytelling, les institutions se reconnectent à l’intime, à l’imaginaire, à cette vérité souterraine qui traverse les êtres comme les structures. C’est là, dans le tissu narratif, que s’activent les leviers silencieux d’une refondation.

Raconter l’histoire de l’institution elle-même : Toute institution a traversé des heures de doute, des instants de grandeur, des secousses fondatrices. Trop souvent, elle oublie son propre récit. Or, ce récit-là — s’il est réactivé — devient bien plus qu’un souvenir : il devient mythe mobilisateur. Il ne s’agit pas de raconter pour se glorifier, mais pour transmettre une mémoire vivante, une sagesse forgée dans l’épreuve. Une histoire bien racontée donne de la profondeur à l’action, de la cohérence aux décisions, du souffle aux réformes. Elle permet à l’institution de redevenir une figure symbolique, enracinée dans le passé mais tournée vers l’avenir.

Retrouver la raison d’être : Avant d’agir, il faut se souvenir. Avant de transformer, il faut redescendre à la source. Une institution qui ne sait plus pourquoi elle est née devient un corps sans âme. Elle s’active, mais elle dérive. Elle répond, mais ne sait plus à quelle question. Retrouver la raison d’être, c’est entendre à nouveau l’appel originel, celui qui justifiait l’engagement, la règle, le serment. Le storytelling n’est pas ici un exercice de forme, mais une descente dans la mémoire vive. Il permet de traduire les valeurs froides en paroles habitables, de refaire parler le sens dans la langue du cœur. Il donne visage à la promesse initiale, chair à l’intention collective.

Donner à voir l’impact humain : Il y a, dans chaque dossier traité, un silence. Derrière chaque procédure, un battement. Derrière chaque service, une vie touchée. Trop souvent, l’institution parle en chiffres, en délais, en taux de satisfaction. Mais ce qui justifie son existence, ce ne sont pas les colonnes Excel — ce sont les existences réelles qu’elle protège, soutient, relève. Le récit permet cela : remettre l’humain au centre. Montrer que derrière une aide sociale, il y a un regard retrouvé. Derrière un logement accordé, un enfant qui retrouve le sommeil. Derrière une carte d’identité renouvelée, une dignité restaurée. C’est en racontant cela que l’institution cesse d’être mécanique et redevient humaine

Écouter les récits citoyens : Une institution qui parle sans écouter devient sourde à sa propre transformation. Le vrai récit n’est jamais à sens unique. Il se tisse dans la réciprocité. Écouter les récits citoyens, ce n’est pas cocher une case participative — c’est reconnaître que le réel se raconte aussi depuis les marges, depuis les couloirs, les guichets, les attentes muettes. Le témoignage d’un usager, d’un agent, d’un exclu, d’un engagé… ce sont des miroirs de vérité que l’institution doit oser regarder. Car ce n’est que dans la résonance avec les voix d’en bas que la parole d’en haut retrouve sa légitimité. L’institution ne peut plus être tour d’ivoire ; elle doit devenir écosystème narratif.

Créer des formats narratifs vivants : Le récit ne vit pas dans les rapports annuels. Il se déploie dans des formats sensibles, concrets, humains. Un portrait, un témoignage filmé, un atelier de narration partagée, un carnet de terrain, un recueil de voix… Autant de manières de faire circuler l’invisible. Ces formats permettent de casser la froideur administrative, de réhumaniser la parole institutionnelle. Ils ne vendent pas une image — ils incarnent une présence. Chaque agent devient passeur. Chaque usager, un fragment du récit collectif. Et peu à peu, dans ces récits croisés, l’institution recommence à respirer.

Faire du récit un outil de transformation : Le bon récit n’est pas un souvenir figé. C’est une boussole pour demain. Il trace des directions, pose des repères, ouvre des chemins là où il n’y avait que confusion. Il ne sert pas seulement à faire comprendre, il sert à faire adhérer, à faire désirer, à faire croire. Dans les moments de bascule — réforme, mutation, refondation — c’est le récit qui fait tenir le cap. Un storytelling juste peut fédérer les équipes, apaiser les résistances, ancrer une vision. Il donne aux changements une densité symbolique. Il transforme l’institution en un lieu qui évolue sans se trahir, en s’appuyant sur ce qu’elle a toujours voulu être.

  • Si les institutions sont renforcées, la confiance sera restaurée et la voix sera retrouvée

Si les institutions sont renforcées — non pas par la force autoritaire, mais par la confiance restaurée, la voix retrouvée, et une présence réhumanisée — alors leur impact sur la société devient profond, fertile, presque organique. Elles ne sont plus de simples structures, mais des piliers vivants du lien collectif. Lorsque les institutions se tiennent debout, ce n’est pas seulement l’État qui fonctionne — c’est la société qui respire. Car une institution juste, transparente, ouverte… ne gouverne pas, elle tisse. Elle ne contrôle pas, elle relie. Elle ne distribue pas de l’autorité, elle rétablit la confiance.

Alors les citoyens cessent de contourner. Ils cessent de crier dans le vide. Ils recommencent à parler, à proposer, à s’impliquer. Non par devoir, mais par sens. Car l’institution ne leur impose plus un cadre : elle leur offre un espace. Et dans cet espace, les récits reprennent vie. Celui de l’élève qui croit à nouveau que l’école est un escalier. Celui du justiciable qui comprend que la loi n’est pas un piège. Celui du fonctionnaire qui n’a plus honte de servir. Celui du citoyen qui ne rit plus jaune quand on lui parle de l’État. Les inégalités, sans disparaître, trouvent un amortisseur. Les colères, sans s’éteindre, trouvent un interlocuteur. Le lien social cesse d’être une abstraction. Il devient un chant discret qui traverse les rues, les écoles, les tribunaux, les guichets. Et l’État, au lieu d’être une silhouette distante, redevient une voix proche, une main qui tient sans enfermer.

Quand les institutions sont fortes et justes, la société n’a plus besoin de héros isolés. Elle produit des citoyens debout. Des citoyens qui croient, non pas par naïveté, mais parce qu’ils ont vu. Parce qu’ils ont entendu. Parce qu’ils ont participé. Alors oui, lorsque les institutions tiennent debout, la société tient ensemble.

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